Article de fond rédigé par nos partenaires américains

 

Étude des forces et des principaux facteurs pouvant influer sur la pertinence des bureaux familiaux

Forts de l’expérience acquise par mon équipe ces 15 dernières années auprès de centaines de bureaux familiaux, nous savons que la pertinence – le lien réel et perçu entre un maillon d’un système et un autre – est la clé de voûte du succès d’un tel bureau, ainsi que de la satisfaction et de l’accomplissement de soi que ressentent les personnes faisant partie du système.

Or, malgré son importance, cet aspect n’est pas considéré avec autant d’urgence que d’autres enjeux plus tangibles et est souvent négligé jusqu’à ce que des problèmes surviennent. Les dirigeants de bureaux familiaux qui réfléchissent à la question de la pertinence ont souvent du mal à dormir la nuit en pensant que les divers éléments du système – le bureau, les différentes générations familiales, les dirigeants du bureau eux-mêmes – s’éloignent lentement les uns des autres. Ceux qui n’ont pas de mal à dormir ont soit confiance en leur stratégie pour remédier à ce problème ou sont soit sur le point de perdre leur pertinence.

L’objectif du présent article est d’aider les dirigeants et les membres de la famille à avoir une vue d’ensemble de leur situation, ce qui peut être difficile quand on se concentre sur les activités quotidiennes. Il est important pour les dirigeants et les membres de la famille de faire une pause, de prendre du recul et d’évaluer la pertinence globale (ainsi que la dynamique en jeu), puis de recentrer leur attention sur leur position et celle de leur bureau familial.

 

Définir la pertinence et son importance pour un bureau familial

Même s’il est sans doute plus facile de la ressentir que de l’expliquer, nous proposons de définir la pertinence comme la capacité de procurer à la fois un lien, du sens et de la valeur au fil du temps. Le lien s’apparente au confort, à la compréhension et à la confiance; le sens s’apparente à l’utilité, à la gravité et à l’intérêt, et la valeur s’apparente à l’appréciation et au dépassement des attentes.

Bien sûr, un bureau familial pertinent répond aux besoins concrets de la famille sur les plans financier, fiscal et du risque. En outre, les membres de la famille s’adressent à un tel bureau quand ils se posent une question, ils prêtent attention au bureau, et le bureau se développe et se transforme au fur et à mesure que la famille elle-même évolue. Le bureau peut en pratique faire avancer la famille vers sa propre définition de la réussite multigénérationnelle.

Les bureaux n’ont pas besoin d’être pertinents. En cherchant un peu, on peut facilement trouver un bureau actif qui remplit un rôle précis pour une personne donnée, par exemple. Ou un créateur de richesse qui n’a aucune intention d’affecter du personnel à un bureau « pour que quelqu’un puisse aller promener le caniche de sa petite-fille ». Les bureaux peuvent remplir des fonctions aussi larges ou aussi ciblées que ce que souhaitent les personnes qui en ont le contrôle. Cela dit, l’expérience montre que s’ils ne sont pas pertinents, la famille finit par s’en défaire. L’abandon peut se produire à l’issue d’un long processus s’étalant sur plusieurs années, ou plus brutalement, par exemple lorsque le fondateur décède et que les membres de sa famille se partagent immédiatement le patrimoine. Il n’y a pas de mal à fermer un bureau ou à inciter les membres de la famille à ouvrir leurs propres bureaux, si c’est l’intention. En revanche, lorsque la fermeture se produit de manière imprévue, la famille est exposée à des risques et à des conflits inutiles. Il arrive aussi que le manque de pertinence incite les membres de la famille à réagir plus vivement, en expulsant un dirigeant de longue date ou en intentant une action en justice pour obtenir ce qu’ils veulent. Ce genre de situation est plus rare, mais son impact est plus grand.

 

Qui détermine ce qui rend le bureau pertinent?

Le lien, le sens et la valeur que le bureau procure au fil du temps permettent éventuellement de déterminer si ce dernier semble pertinent pour la famille, mais ces facteurs n’indiquent pas précisément ce qui est nécessaire (services offerts, culture, effectif, etc.) pour y parvenir, ou à qui il revient de définir ce qui rendra un bureau pertinent.

On peut supposer que c’est à la famille de définir ce qui rendra le bureau pertinent. Après tout, c’est son bureau. Toutefois, selon notre expérience, les familles ont parfois du mal à voir au-delà du moment présent ou de leurs besoins immédiats. Elles se concentrent trop souvent sur les détails, au détriment de la situation globale.

Nous avons constaté que certains facteurs rendent difficiles, pour les familles, de déterminer comment établir la pertinence de leur bureau familial :

  • Elles ne savent pas nécessairement ce que fait le bureau . Étrangement, cette situation est assez courante.
  • Même si les membres de la famille connaissent bien leur bureau , ils n’ont peut-être pas vraiment leur mot à dire.
  • Souvent, les membres de la famille s’en tiennent à leur propre expérience auprès du bureau. Ils ne savent pas – et ne se préoccupent pas de savoir – quels services le bureau offre ou non aux autres membres de la famille (enfants, frères et sœurs, cousins).
  • Être « client » d’un bureau familial n’est pas la même chose qu’être responsable de sa gouvernance.
  • Bon nombre de familles ne définissent pas d’objectifs communs, de sorte qu’il n’existe pas de définition commune de la réussite.
  • Même lorsque tous les aspects du bureau sont transparents pour les membres de la famille, leur bureau peut être le seul qu’ils connaissent, de sorte qu’ils ne savent pas ce que les autres bureaux font de plus ou de différent pour d’autres familles.
  • La famille s’appuie entièrement sur l’avis professionnel du dirigeant qu’elle a embauché pour diriger le bureau. Or, ce professionnel peut être partial ou restreint par son propre savoir-faire ou point de vue (p. ex., accent très fort sur la fiscalité ou absence de formation sur les dynamiques familiales). Naturellement, pour mettre sur pied un bureau, les familles ont plutôt tendance à embaucher un professionnel qui effectuera les tâches d'un chef de la direction visionnaire. 
  • Chaque membre de la famille a ses propres préjugés et préférences et s’accorde donc mieux, tisse de meilleurs liens et se sent plus à l’aise avec certains types de personnes ou de cultures de bureau. L’âge, la personnalité, la philosophie et la vocation peuvent aboutir à des avis très divergents sur la pertinence et la relation (p. ex., « Je suis à l’aise avec elle parce qu’elle est un peu comme moi » ou « Notre équipe de placement parle une langue totalement étrangère »).

Bien que ces facteurs limitatifs puissent aboutir à une définition myope ou biaisée de la pertinence, nous n’insinuons pas que les familles devraient s’abstenir de définir ce à quoi ressemble un bureau pertinent. Nous avançons plutôt qu’il pourrait être bon pour les membres de la famille et les dirigeants du bureau de réfléchir à la question.

 

Cerner la pertinence à partir des besoins exprimés ou des besoins réels

L’une des façons de voir au-delà des facteurs qui peuvent obscurcir ou limiter la définition de la pertinence pour la famille consiste à étudier ce dont cette dernière a vraiment besoin et ce qu’elle veut à long terme.

Les familles réussissent plutôt bien à exprimer leurs besoins immédiats. La plupart des bureaux familiaux sont donc créés à partir des besoins exprimés : « Nous devons produire nos déclarations de revenus »; « Nous avons besoin de notre propre équipe de placement »; « Nous devons organiser une assemblée annuelle du conseil d’administration de la fondation ». Mais ces besoins exprimés manquent souvent d’une vision ou ne couvrent que les besoins concrets immédiats. Par exemple, une famille souhaitant préserver son patrimoine financier de génération en génération investira sans doute massivement dans la planification successorale et l’évitement fiscal. Toutefois, la planification fiscale la plus efficace ne préparera pas les héritiers à rester sur la bonne voie lorsqu’ils deviendront les bénéficiaires d’une grosse fiducie. Le besoin exprimé est de préserver le capital et de planifier la succession. Or, si on invite la famille à creuser la question, elle peut admettre que son « véritable » besoin est que ses membres soient en bonne santé et bien préparés, et qu’ils puissent mieux vivre grâce au capital que leur procure le plan successoral.

Dans un autre exemple de réflexion sur les besoins réels, un bureau familial qui était traditionnellement articulé autour du besoin exprimé de gouvernance d’une entreprise en exploitation (ce qui était utile pour l’entreprise, mais moins pour la famille en pleine expansion) a étendu son mandat à l’amélioration du bien-être mental, spirituel et physique de tous les membres de la famille.

Les besoins exprimés et réels concernent aussi bien les services du bureau familial que le mode de prestation de ces services. Ainsi, de nombreux bureaux sont structurés autour d’un désir d’efficacité, de frais généraux faibles et d’extrême confidentialité. Ce sont les besoins exprimés. Mais si la famille ne souhaite pas que les générations suivantes démantèlent ce bureau (pour diverses raisons de sécurité, de continuité ou de placement), le bureau devra aussi être en constante amélioration et évolution. Dans un tel cas, les véritables besoins pourraient être de trouver des modes de fonctionnement plus modernes et d’instaurer de nouveaux services adaptés à l’époque. Pour répondre à ces besoins, les dirigeants du bureau familial peuvent avoir besoin de temps pour réseauter avec leurs pairs, voir ce qui se passe dans d’autres bureaux et les solutions et fournisseurs utilisés, et s’informer sur les nouvelles tendances ou les grands changements qui toucheront la famille. Tous ces aspects sont mal pris en charge lorsque les besoins exprimés se limitent « à l’efficacité, à de faibles frais généraux et à une extrême confidentialité ».

La comparaison des besoins exprimés et des besoins réels peut aussi amener à réfléchir à la raison d’être même du bureau familial. Scott Peppet, responsable d’un bureau familial et membre de la famille, a posé la question suivante à sa famille : « Au cours de l’année à venir, préféreriez-vous que votre dossier fiscal soit un peu mieux préparé ou avoir plus de joie? » Même si la réponse est systématiquement « Plus de joie » – le véritable besoin de la famille –, rares sont les bureaux qui investissent dans des ressources qui procurent de la joie par rapport aux ressources qu’ils affectent au besoin exprimé de préparation fiscale. (Et si vous êtes comme la plupart d’entre nous, l’idée d’investir dans la joie vous déroute!)

Nous admettons qu’il peut sembler présomptueux de dire que les familles ne savent pas ou ne demandent pas exactement ce dont elles ont besoin. Mais ce concept de besoins réels et exprimés donne l’occasion de réfléchir à ce qu’est un bureau familial, à son fonctionnement et à sa raison d’être. Tous ces éléments donnent des indices sur ce qui donne à un bureau le sentiment d’offrir un lien, du sens et de la valeur au fil du temps.

L’exploration des besoins réels peut prendre de nombreuses formes, dont certaines vous sont probablement familières. Certaines familles ont recours à des conversations ciblées lors de réunions familiales, d’autres font appel à des conseillers qui interrogent les membres de la famille et facilitent la prise de décisions. D’autres encore embauchent intentionnellement des dirigeants visionnaires dotés d’une grande intelligence émotionnelle ou des spécialistes de l’apprentissage et du développement de la famille, alors que certaines familles prennent simplement le temps de discuter autour de la table ou dans la voiture. Vous trouverez à la fin du présent article diverses questions qui permettent de lancer la conversation sur le sujet.

 

Avantages des bureaux qui restent pertinents pour la famille

Voici quatre scénarios que nous avons vus se développer à long terme lorsque les bureaux ont pu maintenir leur pertinence pour la famille au fil de l’expansion et de l’évolution de cette dernière :

  • Préserve la sécurité et assure la protection de la famille. Les membres de la famille participent aux activités et écoutent les conseils d’un bureau qu’ils jugent pertinents – par exemple, à propos des protocoles de mouvement de capitaux, de la préparation aux situations d’urgence ou des pratiques exemplaires en matière de cybersécurité. Ils font souvent fi des conseils judicieux d’un bureau qui n’est pas pertinent pour eux.
  • Aide la famille à s’épanouir autrement que sur le plan financier. Cet aspect dépasse celui des déclarations de revenus. Lorsque les membres de la famille ont un lien avec les dirigeants de leur bureau, les dirigeants sont mieux placés pour inciter la famille à sortir des sentiers battus en définissant et en ciblant la réussite non financière de chacun ou de la famille dans son ensemble.
  • Assure la continuité. Les familles évoluent. Le talent, les compétences et le succès varient. Les intérêts des membres de la famille ou de groupes de membres ne concordent pas toujours. Un bureau qui peut rester pertinent pour la plupart des membres de la famille est mieux placé pour atténuer les hauts et les bas et faciliter les transitions difficiles, réduisant le risque pour la famille.
  • Favorise l’autonomie. Si la famille espère notamment voir chacun de ses membres agir avec assurance, de manière indépendante, mais que les membres de la famille n’ont pas le sentiment que le bureau familial est pertinent, il sera difficile de renforcer leur confiance. Ils risquent de se désintéresser de la question ou peuvent se sentir marginalisés. Les dirigeants perçus comme pertinents sont mieux placés pour favoriser un climat d’appartenance, plutôt qu’un environnement marqué par l’infantilisation ou l’exclusion de certains membres de la famille.

 

Attention : la quête de pertinence d’une personne peut nuire à la pertinence du bureau.

La pertinence d’un membre du bureau familial par rapport à un autre (dirigeant, membre de la famille de différentes générations, etc.) peut avoir d’importantes répercussions sur celle du bureau , qui dépassent la portée, le fonctionnement et la raison d’être du bureau. Ces répercussions ne sont pas toujours positives. Aussi bien intentionnée qu’elle puisse l’être en essayant de démontrer sa propre pertinence, une personne peut malheureusement commettre des erreurs ou subir toutes sortes de conséquences imprévues qui peuvent nuire à la pertinence du bureau ou à sa propre carrière. Cette situation confuse est un peu différente pour les dirigeants qui ne sont pas membres de la famille et pour les membres de la famille. Il est toutefois utile d’en être conscient, pour les deux parties, si on veut pouvoir évaluer avec plus d’honnêteté l’écart entre l’intention et les résultats.

Dirigeants non membres de la famille

Nous avons constaté que la quête de pertinence personnelle faisait trébucher les dirigeants non membres de la famille dans plusieurs domaines :

  • Fausse pertinence. Certains dirigeants portent préjudice à la pertinence du bureau parce qu’ils sont trop convaincus de faire ce qu’il faut, car ils s’investissent totalement dans ce qu’ils connaissent le mieux (en pensant que c’est pour cela que la famille les a embauchés). Cette microfocalisation sur une tâche donnée ou un domaine d’expertise particulier les empêche de prendre du recul pour avoir une vue d’ensemble et les confine dans un rôle de gestion ou axé sur une tâche au détriment d’un rôle de chef de la direction ou de leadership plus visionnaire dans le cadre duquel ils solliciteraient continuellement de la rétroaction et pourraient évoluer. Certes, il peut être difficile de se défaire de la mentalité de « maître des tâches » quand une aussi grande partie du rôle doit être centrée sur les tâches.
  • Ignorer la sagesse collective. Il arrive aussi – et cela s’apparente à la fausse pertinence, ou repose dessus – que des professionnels empêchent leur bureau familial d’être pertinent parce qu’ils travaillent en vase clos ou qu’ils ont instauré une structure dictatoriale, plutôt que démocratique, souvent en tentant inconsciemment d’être le plus utile possible à la famille. Sans faire participer l’ensemble de l’équipe à la conversation ou au travail exploratoire sur les services que le bureau offre à la famille ou sur ce que devrait faire le bureau pour évoluer et innover, les dirigeants sont plus susceptibles de tomber dans le piège de l’étroitesse de vue ou de la fausse pertinence. La variété des points de vue permet d’éliminer les angles morts.
    L’abandon du système de « commandement et de contrôle » facilite l’émergence d’équipes efficaces.
    Par exemple, un dirigeant qui extrait un bureau intégré d’une entreprise en exploitation se concentre entièrement sur son domaine d’expertise technique et a du mal à susciter l’intérêt ou l’engagement de la famille à l’égard du bureau. Pour un observateur extérieur comme nous, ce n’est pas surprenant. L’entreprise familiale en exploitation familiale est manifestement axée sur les valeurs; ses valeurs et ses visions transparaissent dans tout ce qu’elle fait. Si ce dirigeant prenait le temps d’écouter les personnes qui ont travaillé avec la famille, il aurait sans doute conscience de l’occasion qui s’offre de créer un bureau familial axé sur la vision et les valeurs.
  • Banalisation. De nombreux professionnels d’un bureau familial occupent ce poste en raison de leur véritable dévouement à la famille. Cette volonté de servir la famille amène certains d’entre eux à croire que leur pertinence se mesure à l’aune de leur capacité à fournir à la famille ce qu’elle veut, quand elle le veut, sans jamais lui montrer la complexité ou les difficultés que cela implique. Cela semble merveilleux, non? Mais cela peut se retourner contre eux si la famille se met à présumer que n’importe qui peut accomplir n’importe quoi et que, par conséquent, tout le monde est remplaçable. De plus, la famille peut en définitive ne pas apprécier à sa juste valeur le rôle du dirigeant, faire fi de sa réticence ou de son point de vue, ou négliger l’importance des frontières entre la vie professionnelle et la vie personnelle des employés du bureau. Parfois, la banalisation incite les membres de la famille à ne pas se soucier de ce que fait le bureau et de tous ses efforts; cela tue leur curiosité à l’égard de la valeur supérieure ou supplémentaire que pourrait leur apporter la solution du bureau familial.
  • Aide et frein. Parfois, le désir sincère d’un professionnel d’aider la famille peut aboutir à quelque chose qui, au lieu de se révéler pertinent, fait finalement obstacle aux objectifs plus généraux de cette dernière. En réagissant au quart de tour pour aider un membre de la famille, le dirigeant peut se sentir très satisfait (c’est son travail, non?), mais il est possible que tous ces petits gestes aient des conséquences négatives, car ils permettent par exemple aux membres de la famille de ne pas acquérir les compétences ou la résilience que la famille souhaiterait qu’ils développent. C’est une situation que nous avons observée récemment lorsqu’un membre d’une famille dans la trentaine s’est retrouvé coincé dans un aéroport parce qu’il n’arrivait pas à joindre le bureau familial et qu’il n’avait pas la moindre idée de la manière de faire face à un changement de vol. L’inconvénient est que les efforts pour se sentir utile et actif peuvent transformer la pertinence en un obstacle, par exemple lorsqu’un dirigeant de longue date du bureau familial se dit déterminé à passer la main, mais qu’il conserve un rôle actif et continue manifestement à participer à la direction du bureau après avoir accepté de céder la place au nouveau dirigeant.

Membre de la famille

Les membres de la famille peuvent eux aussi tomber dans les mêmes pièges que les dirigeants, surtout après des années de renforcement positif de la part des autres, ou lorsque certains éléments dissuadent le personnel du bureau ou les autres membres de la famille de se montrer vraiment honnêtes avec eux.

  • Écarter les autres. Le désir d’aider ou de diriger le bureau par souci de pertinence amène parfois d’autres membres de la famille à ne pas développer leurs propres compétences ou à se désengager – voire à se désintéresser – de la gestion du bureau familial. Et comme l’affirme Greg McCann, conseiller en bureau de gestion de patrimoine familial, c’est parfois le propriétaire malavisé qui représente le plus grand danger pour une entreprise familiale.
  • Garder les rênes trop longtemps. Il arrive souvent que des membres de la famille tentent de maintenir leur pertinence bien après que la famille aurait eu besoin qu’ils passent les rênes à d’autres membres de la famille. La frontière entre une justification personnelle fondée sur l’engagement et un engagement qui bloque le passage aux autres peut être floue.
  • Perdre le contact. Même avant que la famille ait besoin qu’une personne passe le flambeau, il est possible que cette personne perde le contact avec le bureau et les autres membres de la famille au fil de leur évolution. Par exemple, nous avons tous été témoins de chefs de famille qui se sont accrochés trop longtemps au mythe selon lequel l’entreprise ne pouvait pas fonctionner si les employés ne venaient pas au bureau tous les jours. Dans un tel cas, les membres de la famille peuvent cesser de leur demander de l’aide et se tourner vers le bureau. « Je comprends que vous n’avez peut-être pas l’impression d’être le roi quand vous n’êtes pas entouré de votre cour, mais vous ne pouvez pas ignorer pour autant que le monde et notre main-d’œuvre ont changé », a conseillé un dirigeant à son chef (en mâchant davantage ses mots).

 

Les forces qui influent sur la pertinence

Il est vital de définir les facteurs clés qui influent sur la pertinence et de se poser des questions qui permettent de cerner les besoins pour garantir le succès continu (et futur) du système du bureau familial. Une multitude de facteurs indépendants de la volonté d’une personne ou d’un bureau peuvent, certes, influer sur la pertinence, à commencer par les tendances générationnelles, la diversité géographique, les perturbations mondiales (p. ex., une pandémie), les perturbations familiales (p. ex., la mort d’un chef de famille), la diversité idéologique, l’évolution des besoins aux différentes étapes de la vie, les forces du marché, les forces géopolitiques, l’évolution des normes culturelles et le rythme des changements dans des domaines comme les communications personnelles et avec les clients.

Mais il existe aussi de nombreux facteurs contrôlables qui influent sur la pertinence d’un bureau, comme la façon dont le bureau se présente, la mesure dans laquelle chaque constituant a voix au chapitre, le pouvoir décisionnel de chacun, ce que la famille demande au bureau – ainsi que ce que la famille ne lui demande pas ou refuse de lui demander – et comment le bureau choisit les demandes auxquelles il donne suite.

Avant tout, ces facteurs contrôlables dépendent tous de plusieurs impératifs stratégiques qui influent sur la pertinence. En gérant ces facteurs clés de manière plus délibérée, les bureaux et les familles peuvent travailler en partenariat pour veiller à ce que le bureau familial reste pertinent. Ces impératifs doivent être examinés dans une optique de pensée systémique, car leur efficacité dépend de celle des autres. Voici un aperçu de ces impératifs :

  • Confiance. Tout tourne autour de la confiance. Si la famille lui fait confiance (et qu’il existe à la base une solide relation fondée sur la confiance), le bureau a plus de possibilités d’offrir des recommandations ou de suggérer des corrections de parcours qui l’aideront à rester pertinent pour la famille. Et si la confiance personnelle est une bonne chose, la confiance « professionnalisée », plus éclairée et fondée sur l’engagement, est encore meilleure.
  • Service. Le service peut renforcer la pertinence si les besoins et les désirs de la famille sont comblés – et si les dirigeants surveillent de près les risques de banalisation, ainsi que de création d’une dépendance ou d’un désengagement des membres de la famille.
  • Affinités. Si un membre de la famille n’est pas à l’aise avec les dirigeants du bureau, il restera toujours à l’écart et il sera difficile d’établir un lien de confiance sans affinités, d’autant plus qu’une grande partie de la pertinence est d’ordre émotionnel (n’oubliez pas que la pertinence perçue est synonyme de pertinence).
  • Communication. Tout est question de transparence, et directement lié aux affinités, à l’écoute et à la confiance.
  • Écoute. L’important, ici, est de chercher à comprendre l’ensemble de la famille, sans se limiter aux membres qui s’expriment le plus ou qui exercent le plus d’influence. Il faut solliciter la rétroaction, et non pas l’éviter.
  • Excellence de l’exécution. Aucun des facteurs susmentionnés n’a d’importance si votre exécution n’est pas impeccable.
  • Recul nécessaire. Aucun dirigeant ne peut voir ce qui peut se profiler à l’horizon s’il est obnubilé par l’excellence de l’exécution.
  • Capacité à dire la vérité. Certains « conseillers de confiance » ont purement obtenu ce titre parce que la famille a « confiance » qu’ils ne dépasseront pas les bornes et n’aborderont pas de sujets inconfortables. Ce n’est pas cela qui rend une personne pertinente. Souvent, on peut apporter plus de valeur en expliquant une décision impopulaire à la famille qu’en acceptant une demande inappropriée.
  • Innovation, agilité et souplesse. Les familles évoluent continuellement, même si c’est à un rythme presque imperceptible. Les dirigeants capables de réagir et de garder une petite longueur d’avance sur l’évolution de la famille sont plus susceptibles d’assurer leur pertinence à long terme.

Quelles questions devraient se poser les dirigeants de bureaux familiaux et les familles?

Comme la pertinence varie d’une famille et d’un bureau à l’autre, nous ne pouvons pas faire de recommandations absolues. En revanche, nous pouvons suggérer une série de questions que pourraient utiliser les dirigeants du bureau familial et les membres de la famille pour réfléchir aux sujets à prioriser. Comme nous l’avons mentionné plus haut, nous encourageons les familles et les dirigeants à travailler véritablement en partenariat à cet égard. Le processus peut être simple : il suffit de réfléchir de façon indépendante à chaque question, puis, en étant conscient des éventuels déséquilibres de pouvoir, de se réunir pour partager, écouter, remettre en question et s’entraider.

Dirigeants d’un bureau familial

  • Le bureau est-il sur la bonne voie pour offrir un lien, du sens et de la valeur au fil des années? Et à mesure que la famille évolue?
  • Comment la famille pourrait-elle définir la pertinence d’un bureau familial? Cette question lui a-t-elle été posée?
  • Quels facteurs pourraient fausser ou restreindre sa définition de la pertinence?
  • Au-delà de ses besoins exprimés, les objectifs à long terme ou la réalité actuelle de la famille font-ils penser à d’autres domaines dans lesquels le bureau pourrait offrir de la valeur?
  • En tant que dirigeant, suis-je aveugle à certains éléments qui pourraient m’empêcher, ou empêcher le bureau, d’accroître notre pertinence pour la famille?
  • Quand faut-il que je sois un « maître des tâches » ou un visionnaire?
  • Quels indicateurs pourraient m’aider à comprendre si je m’oriente vers la banalisation? À partir de quand le service aux membres de la famille renforce-t-il leur inaction ou leur manque d’engagement?
  • Le personnel du bureau est-il soigneusement choisi pour favoriser l’établissement de liens significatifs avec tous les membres de la famille?
  • D’un point de vue rationnel, à quel moment ma propre pertinence à l’égard du bureau ou de la famille devrait-elle commencer à diminuer?

Membres de la famille

  • Comment pourrais-je expliquer à quoi ressemble un bureau pertinent? Comment les autres pourraient-ils l’exprimer différemment?
  • Quels facteurs pourraient fausser ou restreindre la façon dont ma famille perçoit le lien, le sens et la valeur au fil du temps?
  • Les demandes et les attentes à l’égard du bureau sont-elles adaptées à ce que ma famille considère comme étant pertinent?
  • Ma famille a-t-elle des ambitions ou des objectifs multigénérationnels auxquels ne concourt pas le bureau? Y a-t-il des objectifs dont l’atteinte pourrait être minée par le bureau?
  • Comment l’orientation ou l’expérience de nos dirigeants peuvent-elles façonner le bureau ou sa pertinence?
  • Dans quelles situations avons-nous besoin que le bureau soit géré par un maître des tâches et quand sommes-nous mieux servis par un visionnaire?
  • Que pourrions-nous faire pour mieux soutenir ou former les dirigeants de notre bureau familial afin qu’ils soient mieux à même de répondre aux besoins à long terme de notre famille?
  • Nos dirigeants ont-ils le temps et les ressources nécessaires pour regarder ce qui se profile à l’horizon?
  • Comment savoir si nous jouons le rôle que notre famille veut que nous jouions? Et comment savoir quand le moment est venu de changer de rôle?

 

Encore une fois, nous sommes convaincus que le fait de se pencher sur la pertinence crée un meilleur bureau familial qui est plus dynamique et plus durable, tout en favorisant la satisfaction et l’accomplissement personnel que ressentent les membres du système. Nous espérons que les dirigeants et les membres de la famille utiliseront cet article pour réexaminer leurs rôles respectifs dans le système du bureau familial, et qu’ils s’appuieront sur les facteurs et les questions partagées pour amorcer la conversation et assurer le succès continu du bureau.