Des thérapeutes financiers canadiens nous renseignent sur la façon de composer avec le stress lié à l’argent

Rédigé par : Leah Golob

Source : The Toronto Star

Même si Sabina Wex vit bien dans sa carrière de rédactrice pigiste et de productrice de balados, elle ressent toujours une pression financière à la fin du mois en se demandant si elle sera en mesure de payer les factures.

« Le loyer et le coût de la vie sont très élevés, affirme-t-elle. Parfois, le montant de votre relevé de carte de crédit est aussi élevé, voire plus, que votre loyer. »

Sabina Wex utilise sa carte de crédit pour toutes les dépenses autres que le loyer afin de faire le suivi de ses dépenses et d’obtenir des remises en argent. Elle craint aussi de ne pas pouvoir payer ses factures à temps et de devoir en assumer les conséquences comme la coupure de son hydroélectricité.

« J’ai peur de passer d’une vie normale à une vie sans ressources du tout, confie-t-elle. Ça peut m’amener à imaginer des scénarios catastrophiques. »

Selon l’indice de stress financier de FP Canada publié au début de juin, Sabina Wex n’est pas la seule à vivre une telle situation.

Pour la cinquième fois en huit ans, les Canadiens et Canadiennes sondés par Léger, pour le compte de FP Canada, ont déclaré que l’argent est leur principale source de stress (38 %), loin devant la santé (21 %), le travail (19 %) et les relations (18 %).

L’enquête révèle que la hausse des prix de l’essence, des aliments et du logement ainsi que le relèvement des taux d’intérêt alimentent ce stress. Ce dernier peut avoir de graves conséquences, car une personne interrogée sur trois a déclaré que le stress financier avait provoqué de l’anxiété, de la dépression et d’autres problèmes de santé mentale.

La thérapie financière est une méthode utilisée par les professionnels pour aider les clients à gérer tant leur argent que leur santé mentale. La Financial Therapy Association affirme qu’elle aide les gens à penser, à se sentir, à communiquer et à se comporter différemment avec l’argent afin d’améliorer leur bien-être global au moyen de pratiques et d’interventions fondées sur des données probantes.

Le Toronto Star s’est entretenu avec trois praticiens professionnels de la thérapie financière sur la façon de repérer le stress financier et de l’alléger.

Natasha Knox, planificatrice financière, utilise ce type de thérapie au sein de son entreprise Alaphia Financial Wellness. Elle explique que nous ne sommes pas tous égaux dans notre réaction au stress financier, mais que ce sont souvent l’évitement ou l’obsession qui se manifestent.

« Parfois, lorsque les finances deviennent accablantes, les gens s’en éloignent et ne veulent plus voir la situation en face ni y penser. Ils se mettent à jouer à l'autruche » explique Mme Knox. « Pour d’autres, cela peut tourner à l’obsession, ce qui les mène par exemple à vérifier sans cesse le solde de leurs placements. Ils peuvent aussi se retrouver à faire des recherches sur Google sur des sujets parfois sans réponse. »

Ils souhaitent obtenir des réponses à des questions comme : « Jusqu’où ira le taux d’inflation? À quel point le marché boursier pourrait-il baisser? Quand le prix de l’essence baissera-t-il? Devrais-je attendre pour acheter un bien immobilier ou acheter maintenant? »

Entre les extrêmes de l’évitement et de l’obsession, le stress financier peut se manifester d’autres façons, affirme Natasha Knox, comme sous la forme de disputes ou de critiques quant aux dépenses de quelqu’un d’autre.

Selon Mme Knox, la manifestation du stress financier dépend de la façon dont chacun compose avec la douleur émotionnelle.

« Si l’on fait abstraction du mot “ financier ”, ce n’est plus qu’une forme de stress comme une autre, souligne-t-elle. Je suggère d’examiner ce qui fonctionne pour gérer le stress dans d’autres sphères de la vie. Ce pourrait être un point de départ. »

Pour certains, le remède est de se promener en nature. Pour d’autres, c’est de pratiquer la pleine conscience et déterminer si leurs pensées sont ancrées dans le moment présent ou dans un avenir imaginaire. Souvent, le stress peut découler de traumatismes passés ou de la projection d’événements futurs que vous ne pouvez pas contrôler.

« Il est important de vous concentrer sur ce que vous êtes en mesure de corriger », explique Natasha Knox.

Si les marchés vous stressent, il est temps de réduire le temps que vous passez à réfléchir à vos placements. La création ou l’ajustement d’un plan financier peut aussi être un moyen de surmonter le stress.

Amanda Mills, thérapeute financière de Loose Change Inc., tente d’aider les clients à éviter d’assimiler leur sentiment de sécurité ou de liberté à l’argent. Ce type d’attachement peut conduire à l’égarement, le risque étant le surmenage au travail pour gagner de l’argent au nom de la « liberté » sans jamais la ressentir puisqu’on ne sort pas la tête de l’eau.

Voici ce qu’elle apprend à ses clients : « L’argent, c’est de l’argent et rien de plus. »

« Essayez de ne pas y voir votre valeur ou votre réussite », dit-elle, ce qui est difficile dans une culture qui prône l’argent. Pour les clients qui ressentent des tensions, Mme Mills recommande de marquer une pause avant de tailler dans leurs dépenses.

« Lorsque les gens paniquent au sujet de l’argent, explique-t-elle, ils tentent de réduire toutes leurs dépenses plutôt que de prendre un instant pour évaluer la gravité du problème. »

« J’ai vu des personnes essayer de résoudre de grandes difficultés en réduisant simplement leur facture d’épicerie, puis ne plus jamais consommer ce qu’ils aiment sans pour autant résoudre leur problème financier, témoigne-t-elle. Tant que vous n’associez pas un chiffre à vos difficultés, il est très difficile de les régler. »

L’une des premières dépenses que les gens réduisent souvent, c’est celles associées à des plaisirs coupables, autant d’éléments négligeables dans l’ordre des choses à grande échelle, affirme Amanda Mills.

« J’ai eu un client qui aimait un certain type de fromage et comme il estimait que les temps étaient durs, il ne pouvait plus se permettre d’acheter ce fromage. Lorsque nous avons examiné le coût du fromage, il s’élevait à 50 $ par année. Ce n’était pas une grosse affaire. Alors, gardons le fromage. »

Brenda St Louis, coach financière agréée et thérapeute financière chez Rewire, affirme que l’une des meilleures façons de maîtriser le stress financier est d’en parler.

« Il y a tant de secrets et de tabous entourant de l’argent », explique-t-elle. Les gens ne parlent pas de leur stress financier et on cultive beaucoup d’illusions laissant croire que tout le monde va bien. »

L’un des changements les plus marquants qu’elle constate chez ses clients est lorsqu’ils discutent de finances personnelles et de difficultés budgétaires avec leurs connaissances pour s’entraider. Il peut en découler le sentiment d’être dans le même bateau alors que tout le monde se sent si seul face à l’argent.

« Cessez de cacher votre vie financière aux autres », préconise-t-elle.

Pour Sabina Wex, le fait d’apprendre à s’ouvrir sur ses craintes à l’égard de l’argent lui a permis d’alléger son fardeau.

« Je pense que cela contribue à soulager une grande partie du stress financier, parce que vous vous rendez compte que tout le monde s’inquiète de ses finances. Peut-être aussi que vous êtes juste comme les autres ou que vous ne vous en sortez pas si mal que vous le pensiez, précise-t-elle. On ne sait pas ce qui se passe vraiment dans les comptes bancaires des gens à moins d’en parler. »

Cet article a été rédigé par Leah Golob du Toronto Star et sa publication a été autorisée légalement sous licence par Content Marketplace d’Industry Dive. Pour toute question sur les droits de reproduction, veuillez écrire à legal@industrydive.com