
Les marchés, la macroéconomie et le portefeuille 60/40 : analyse de Jurrien Timmer
Le 2 juin dernier, Jurrien Timmer, directeur en chef, Macroéconomie mondiale chez Fidelity, a présenté son point de vue sur le contexte actuel des placements. À mesure que les investisseurs évaluent la conjoncture macroéconomique complexe, plusieurs thèmes clés émergent, allant du rôle des taux d’intérêt à l’évolution du commerce mondial.
Voici quelques-uns des points à retenir.
Les marchés gravissent le mur d’inquiétudes
Après une période de volatilité alimentée par les manchettes sur les tarifs douaniers et l’évolution du discours sur le commerce, les marchés ont retrouvé un certain calme. Un rebond de 23 % a suivi une baisse de 21 %, incitant les investisseurs à la prudence dans un scénario classique de « mur d’inquiétudes ». Malgré les perturbations géopolitiques, les marchés semblent intégrer un niveau de risque gérable, en particulier dans un contexte où les tarifs douaniers se situent autour de 10 %.
La dynamique des bénéfices et des valorisations
Les prévisions de bénéfices, alors qu’elles avaient été révisées à la baisse en raison des craintes liées aux tarifs douaniers, commencent à se stabiliser et même à grimper. Cette situation donne à penser que les marchés n’ont peut-être pas pleinement pris en considération les scénarios les plus pessimistes et s’ajustent maintenant à des perspectives plus équilibrées. Cependant, la hausse des taux obligataires, notamment celui à 10 ans qui tourne autour de 4,46 %, pourrait limiter la reprise des marchés boursiers.
La confiance et l’activité des initiés
Malgré la reprise du marché, la confiance des investisseurs reste contenue, ce qui pourrait signaler une hausse à contre-courant. Les achats effectués par les initiés d’entreprises lors des creux récents reflètent peut-être leur confiance à l’égard de la situation du marché. Les comparaisons historiques indiquent que même si le cycle actuel n’est pas marqué par un changement de cap des banques centrales, les rajustements de politique et l’amélioration des conditions de crédit pourraient favoriser le marché.
Le marché obligataire et les pressions budgétaires
Le marché obligataire gagne en influence, car la hausse des primes à terme reflète l’expansion budgétaire et la réduction des interventions des banques centrales. Bien que les attentes d’inflation demeurent limitées, tout changement potentiel pourrait faire passer les taux au-dessus des 5 %, ce qui pourrait avoir une incidence sur les valorisations des actions. Le retour du modèle de la Fed, qui compare les taux obligataires et boursiers, met en évidence l’attrait croissant des obligations par rapport aux actions.
La liquidité et les flux de capitaux mondiaux
La liquidité mondiale augmente, la croissance de la masse monétaire appuyant les valorisations des actions. Cela suscite toutefois des craintes quant à l’inflation et à la domination budgétaire. Le passage de la mondialisation au mercantilisme pourrait réduire les flux de capitaux étrangers sur les marchés des États-Unis, ce qui risque d’éroder la prime de valorisation de longue date des titres américains.
Les actions des États-Unis et du reste du monde
Bien que les actions des États-Unis demeurent solides, les marchés internationaux, en particulier l’indice MSCI Monde tous pays, hors États-Unis, montrent des signes de reprise, atteignant de nouveaux sommets pour la première fois depuis 2007. Cela indique un possible retour à la moyenne, les actifs hors États-Unis offrant un potentiel d’alpha.
Perspectives fiscales et budgétaires
Les changements fiscaux proposés sur les dividendes et les effets du Trésor américain pour les investisseurs étrangers pourraient décourager les placements internationaux, ce qui mettrait davantage à mal la domination des marchés des États-Unis. Par ailleurs, il semble peu probable qu’une réduction importante de la dette des États-Unis soit observée; les décideurs politiques misent plutôt sur une croissance du PIB nominal supérieure aux taux obligataires pour compenser l’endettement.
Repenser le portefeuille 60/40
M. Timmer suggère de transformer le portefeuille 60/40 traditionnel en un modèle 60/20/20. Bien que les actions demeurent les titres de base, la répartition obligataire devrait être réduite en faveur d’actifs non corrélés, comme les stratégies à rendement absolu, l’or, le bitcoin et les fonds neutres au marché. Ces placements non traditionnels offrent diversification et résilience dans un contexte où les obligations pourraient ne plus jouer efficacement leur rôle d’atténuer de risque.
Conclusion
Le contexte de placement actuel est façonné par une combinaison de forces macroéconomiques, de changements de politique et de dynamiques de marché changeantes. Bien que l’incertitude persiste, il y a aussi des occasions de placement. Comprendre la relation entre les taux d’intérêt, les bénéfices et les flux de capitaux peut aider les investisseurs à prendre des décisions plus éclairées. À mesure que les modèles de portefeuille traditionnels sont réévalués, une approche flexible et diversifiée peut offrir une voie plus résiliente.