Certaines règles financières personnelles d’autrefois pourraient ne plus s’appliquer, disent les experts

Source : La Presse Canadienne

Commencer à épargner en vue de la retraite dans un régime enregistré d’épargne-retraite le plus tôt possible. S’assurer d’investir au moins 10 % de ses revenus. Ne pas consacrer plus du tiers de chaque paie pour le logement, mais ne pas louer un logement indéfiniment non plus.

Ce sont là certaines des maximes financières que les jeunes générations entendent de la part de parents bien intentionnés et d’autres personnes dans leur vie, mais les experts disent que plusieurs de ces règles financières personnelles ne s’appliquent plus.

« Je pense que la principale question est qu’il y avait peut-être plus de similarité dans les expériences des générations précédentes... Le marché de l’habitation était généralement abordable, la plupart des diplômés n’avaient pas trop de dettes, les emplois étaient généralement stables et bon nombre d’employés avaient des régimes de retraite », déclare Liz Schieck, planificatrice financière agréée chez The New School of Finance, un cabinet-conseil de Toronto spécialisé en planification financière et en encadrement financier.

Cela veut dire qu’il y a 30 ans, lorsqu’un ami donnait un conseil à un autre, la probabilité de réussite était plus grande qu’aujourd’hui

« Les expériences sont si diverses dans les générations actuelles », affirme Mme Schieck, qui soutient que les conseils financiers d’une personne qui ne connaît pas la situation financière complète du bénéficiaire devraient toujours être pris avec un grain de sel.

« L’un des conseils les plus courants est de commencer à épargner en vue de la retraite au moyen d’un REER », dit-elle.

« Or, ce n’est peut-être pas la meilleure stratégie pour les jeunes générations », poursuit-elle, en proposant plutôt un compte d’épargne libre d’impôt.

Le gouvernement fédéral a créé le CELI en 2009 pour les personnes de 18 ans et plus afin qu’elles puissent épargner sans déduction fiscale et sans payer d’impôt sur l’argent gagné dans le compte sous la forme de gains en capital ou autre. Les dépôts dans un CELI sont assujettis à une limite annuelle, et la limite à vie des cotisations à ce jour s’élève à 69 500 $.

Contrairement au REER, les retraits d’un CELI n’entraînent aucune pénalité fiscale, ce qui rend le CELI plus souple pour les générations Y et Z qui pourraient avoir besoin d’une partie de leurs économies avant d’avoir atteint l’âge de la retraite, que ce soit pour verser un acompte sur l’achat d’une maison, pour retourner aux études en vue d’un changement de carrière ou même pour épargner en vue de vacances.

« Il pourrait être plus avantageux pour les gens d’épargner dans un CELI jusqu’à ce qu’ils se trouvent dans une tranche d’imposition plus élevée », continue Mme Schieck.

« Les gens des générations précédentes n’avaient pas le CELI », explique-t-elle, soulignant qu’il n’existe que depuis un peu plus d’une décennie et que de nombreuses personnes des générations plus âgées n’ont pas pu l’utiliser dans le cadre de leur planification de la retraite à long terme.

On peut fournir une nouvelle interprétation de ces « règles » désuètes.

« En fait, je pense que ce que la plupart des gens veulent dire, c’est qu’il faut commencer à épargner pour le long terme le plus tôt possible. Et c’est un excellent conseil. »

Toutefois, le conseil d’épargner tôt est souvent accompagné d’autres fameuses règles d’or en matière de finances personnelles qui consistent à mettre de côté 10 % du salaire et à toujours profiter d’un régime d’épargne-retraite auquel cotise également l’employeur.

« Les 10 % sont idéalistes », déclare Janet Gray, planificatrice financière agréée de Money Coaches Canada, un cabinet de service-conseil spécialisé en planification financière et en encadrement financier.

« Je ne pense pas que les 10 % soient toujours appropriés. »

« Les jeunes générations peuvent avoir plus de contraintes budgétaires que celles qui les ont précédées, notamment des coûts de logement plus élevés, des remboursements mensuels importants de la dette étudiante et plus encore », précise Mme Gray.

« C’est une bonne idée de trouver une somme d’argent pour commencer à prendre l’habitude d’épargner régulièrement, et cette somme pourrait être aussi peu que 25 $ par mois pour commencer », dit-elle.

« Lorsqu’il s’agit de programmes de retraite avec cotisation de l’employeur, où l’employeur cotise jusqu’à concurrence d’un certain montant de ce qu’un employé cotise, on conseille souvent de ne pas laisser de l’argent sur la table », continue Mme Schieck.

« Cependant, cela n’a peut-être pas de sens pour tous les employés sur le moment », ajoute-t-elle, en racontant qu’elle a vu des clients qui épargnent pour la retraite, mais qui n’ont pas assez d’argent pour couvrir leurs dépenses mensuelles et qui accumulent des milliers de dollars de dettes sur leurs cartes de crédit.

« Ce n’est pas toujours possible d’utiliser de tels incitatifs, par exemple, si de nouveaux parents paient environ 2 000 $ par mois pour les frais de garde de leurs enfants », soutient-elle. Dans de telles situations, il n’y a pas de problème à attendre que les années de fortes dépenses soient derrière nous avant de commencer à profiter des programmes de retraite avec cotisation de l’employeur.

Les générations plus âgées aiment aussi donner des conseils sur le logement. On dit à beaucoup de jeunes de travailler à l’achat d’une propriété plutôt qu’à la location et de ne jamais dépenser plus du tiers de leur revenu pour se loger, mais ni l’un ni l’autre n’est réaliste de nos jours, surtout pour ceux qui vivent dans les grandes villes.

« Une règle souvent citée est de dépenser ses revenus selon la répartition 50/30/20 », déclare Mme Schieck. Selon cette répartition, un plafond de 50 % est consacré au paiement des factures, 20 % à l’épargne et 30 % aux autres besoins.

« La New School of Finance a fait passer les 50 % pour les factures, y compris le logement, à 55 % », a-t-elle dit, car beaucoup de gens ont du mal à garder leurs nécessités de la vie en deçà de la moitié de leur revenu, en particulier dans les villes à coûts élevés comme Toronto.

Les deux femmes déconseillent d’acheter une maison à tout prix, surtout dans les villes coûteuses où la mise de fonds peut représenter des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars.

« Je pense que c’est un bon objectif si c’est réalisable pour vous... Si quelqu’un a les moyens d’acheter une maison et de rembourser son hypothèque avant de prendre sa retraite et qu’il n’est pas pauvre tout au long de sa vie, tant mieux », déclare Mme Schieck.

« Mais je préférerais que quelqu’un loue un logement toute sa vie plutôt que de s’appauvrir avec l’achat d’une maison », avoue-t-elle, parce que les gens qui assument trop de frais de logement ont tendance à renoncer à leur épargne-retraite ou à accumuler des dettes de consommation.

« La location peut tout de même être une bonne décision financière, dans la mesure où les gens épargnent en vue de la retraite parce qu’ils n’accumulent pas de capital dans leur logement », soutient-elle.

Il y a quand même des conseils qui tiennent toujours la route d’une génération à l’autre.

« Ne dépensez pas plus que ce que vous gagnez », dit Mme Gray, en évoquant les dangers de l’endettement des consommateurs. Ce conseil est particulièrement important pour la génération Y qui a peut-être accès à plus d’instruments d’emprunt que ceux auxquels avaient accès leurs parents au même âge.

Tout le monde devrait également s’efforcer d’avoir un fonds d’urgence pour les temps difficiles qui pourrait couvrir un budget minimaliste pour les mauvais jours, insiste-t-elle.