Le bitcoin peut-il être vert? Visite de la mine norvégienne qui fait également sécher du bois

Rédigé par : Daniel Boffey à Hønefoss, Norvège

Source : The Guardian

Une rangée de grosses bennes bleues pleines de bois coupé se trouve à l’arrière d’un site appartenant à la plus grande installation de minage de bitcoins de la Norvège, un entrepôt de 5 000 mètres carrés en périphérie de Hønefoss, une petite ville située à 65 kilomètres à l’ouest d’Oslo.

De l’air chaud est pompé dans les 12 bennes au moyen de tuyaux flexibles ondulés qui sortent de l’entrepôt. Malgré la neige, il ne faut que quelques jours pour que les bûches soient sèches, après quoi un bûcheron local, reconnaissant pour le service gratuit, les vend.

Le bois est réchauffé par une partie de la chaleur dite résiduelle émise par des milliers de serveurs informatiques empilés, connus sous le nom de mineurs, qui travaillent à l’intérieur de l’entrepôt. Il s’agit de l’un des deux sites appartenant à la société norvégienne Kryptovault. La société s’attend à ce que son minage atteigne tout près de 1 % de la puissance de calcul et de traitement du réseau Bitcoin mondial au cours de cette année.

Le minage de bitcoins, le processus d’acquisition de cette cryptomonnaie par la résolution de problèmes mathématiques complexes et la vérification des transactions en cours de route, est bien connu comme étant énergivore. Le dernier calcul de l’indice de consommation d’électricité du bitcoin de l’Université de Cambridge indique qu’en conséquence, le secteur consomme plus d’énergie par année que de nombreux pays, notamment l’Argentine, le Pakistan et la Pologne.

La chaleur est un sous-produit inévitable du minage. Malgré des ventilateurs au bruit si fort que la société a dû dépenser environ 1,5 million d’euros sur l’isolation à la suite de plaintes de voisins, les zones chaudes dans l’entrepôt de Hønefoss peuvent atteindre 55 degrés Celsius.

Pour beaucoup, à une époque où les prix de l’énergie montent en flèche, cela peut prouver à nouveau l'insoutenabilité d’une entreprise qui a récemment été décrite par Robert McCauley, agrégé supérieur au Global Development Policy Centre de l’Université de Boston, comme « pire qu’une pyramide de Ponzi à la Madoff ».

Les critiques font couler beaucoup d’encre. La banque centrale de Russie a proposé d’interdire toutes les opérations de cryptomonnaie au pays, ce que la Chine a déjà fait. Les organismes de réglementation suédois ont demandé quelque chose de similaire en Europe. Le ministre norvégien du Développement régional, Bjørn Arild Gram, a déclaré au Guardian que son gouvernement examinait ses options.

« Bien que le minage de cryptomonnaie et sa technologie sous-jacente puissent possiblement représenter certains avantages à long terme, il est difficile de justifier l’utilisation intensive des énergies renouvelables de nos jours, a déclaré M. Gram. Le ministère des Collectivités territoriales et du Développement régional examine actuellement les mesures stratégiques possibles afin de relever les défis liés à l’utilisation intensive de l’énergie par le minage de cryptomonnaie. »

Cependant, il se forme une résistance dans le secteur, dont fait partie Kryptovault, qui n’utilise que des énergies renouvelables. Cette semaine, le milliardaire Michael Novogratz, propriétaire de Galaxy Digital, une société d’actifs numériques qui cherche à devenir « la Goldman Sachs de la cryptomonnaie », a lancé un programme de développement durable reposant sur l’utilisation de l’énergie et la responsabilité sociale, et déclaré que l’industrie doit faire face à la « fausse idée que la cryptomonnaie est mauvaise pour l’environnement ».

Le programme a été décrit par certains critiques comme de l’écoblanchiment, mais dans un monde qui a jusqu’à présent été moins que transparent sur ses activités, préférant le secret à la sympathie, cela marque un changement.

Kjetil Hove Pettersen, 39 ans, le directeur général de Kryptovault qui a fondé l’entreprise avec des amis après avoir décidé de transformer un passe-temps en affaires, a déclaré qu’il était temps pour le secteur de réfuter le discours dominant.

« Si vous regardez le coût total en énergie, mondialement, pour n’importe quelle chose, ça va toujours être énorme. Je pense que nous pouvons toujours le comparer à celui d’un petit pays européen, a-t-il dit. Cela comprend également l’extraction d’or traditionnelle, qui consomme plus de quatre fois la quantité d’énergie requise pour le minage de bitcoins. »

Les défenseurs du bitcoin soutiennent qu’il offre la possibilité d’échanger de la valeur avec quelqu’un instantanément sans utiliser un tiers comme une banque ni avoir à demander de permission et, pour ainsi dire, gratuitement. Ils affirment qu’il est adopté à un rythme plus rapide que l’Internet dans les années 1990, le Salvador étant devenu le premier pays à l’adopter comme monnaie légale, aux côtés du dollar américain, malgré les réticences du Fonds monétaire international.

M. Pettersen a dit que les gens voulaient le bitcoin, et les activités de minage ont fourni des rendements économiques par le biais de l’impôt et de l’emploi. Il est aussi dit que le minage offre aux pays qui ont un excédent d’énergie renouvelable provenant de l’hydroélectricité, de l’énergie éolienne ou de l’énergie solaire à certains moments et au cours de certaines saisons la possibilité d’en tirer de la valeur à l’intérieur de leurs propres frontières et sans frais de transfert. On estime que la proportion de l’énergie renouvelable qui est utilisée dans le minage varie de 25 % à 57 %.

« Le minage ne pollue pas en soi, a déclaré M. Pettersen. Si vous utilisez du charbon pour vos activités de minage, c’est une autre histoire, et c’est ce qu’on ne veut pas. Le minage devrait se faire dans plus d’endroits comme la Norvège – et cela peut être un moyen de récupérer l’énergie piégée. Par exemple, dans le nord de la Norvège, où il y a un excès, ou au Salvador, où l’on utilise maintenant l’énergie des volcans, on établit une production où il n’y en avait pas auparavant. »

Kryptovault vise à avoir 15 000 mineurs au travail cet automne. Otto Him, 37 ans, et Martin Mikalsen, 26 ans, qui gèrent la mine Hønefoss, ont surnommé une zone entre deux énormes murs, ou capsules, de 6 500 ordinateurs « la cathédrale », en reconnaissance de son envergure impressionnante.

La société passe actuellement de mineurs de bitcoins plus âgés à de nouveaux modèles importés de la Chine qui sont théoriquement trois fois plus efficaces. Il y aura beaucoup plus de chaleur résiduelle à utiliser. La société discute de la possibilité de sécher des algues pour une entreprise locale. Selon Pettersen, le discours dominant est appelé à changer.

« À un moment donné, les pays adopteront le bitcoin l’un après l’autre comme monnaie légale et, tôt ou tard, il sera évident que cela changera le monde, a-t-il dit. Tout comme il est devenu évident qu’Internet était là pour de bon. »

Dix principaux pays où l’on mine le bitcoin 

  • 1) Kazakhstan 
  • 2) Russie 
  • 3) Irlande* 
  • 4) Allemagne* 
  • 5) Suède 
  • 6) Norvège 
  • 7) Islande 
  • 8) Royaume-Uni 
  • 9) France 
  • 10) Géorgie  

* Les preuves d’activité sont probablement gonflées en raison des adresses IP redirigées par l’utilisation de VPN ou de services proxy.

Données de l’indice de consommation d’électricité du bitcoin du Cambridge Centre for Alternative Finance. Tableau fondé sur les données les plus récentes, qui datent d’août 2021.

 

Cet article a été rédigé par Daniel Boffey à Hønefoss, en Norvège, pour The Guardian. Sa publication a été autorisée légalement sous licence par Content Marketplace d’Industry Dive. Veuillez adresser toutes les questions sur les licences à legal@industrydive.com.