La frontière en 2020 : fin du processus pour le Moyen-Orient et transformation de l’Asie
Londres, Royaume-Uni (en confinement)
Au cours de la dernière année, les guerres commerciales et autres freins au commerce comme le coronavirus ont dominé les manchettes du monde entier. De nombreux investisseurs demandent, à juste titre, si ces événements annoncent la fin de la mondialisation, c’est-à-dire le rapatriement des industries vers les pays développés qui les avaient délocalisées. C’est une bonne question, surtout quand l’avenir est terriblement incertain, alors que le coronavirus fait le tour de la planète. Selon moi, l’idée du rapatriement est plausible pour certaines industries, que plusieurs pays peuvent aujourd’hui considérer comme stratégiques, et donc ayant besoin de la protection et du soutien du gouvernement. C’est actuellement le cas du secteur de la santé (masques, respirateurs, etc.), d’autant plus que les technologies comme l’impression 3D prennent de l’ampleur.
Toutefois, dans le secteur de l’industrie légère à faible valeur, la migration des usines de la Chine vers les pays frontaliers clés n’a pas cessé, malgré la récente actualité mondiale. Comme on le voit dans le Tableau 1, les marchés frontières clés comme le Vietnam, le Cambodge et le Bangladesh se sont engagés sur les sentiers battus de l’industrialisation, tracés par le Japon dans les années 1950 et 1960, creusés par la Corée, Taïwan et Hong Kong dans les années 1970 et 1980, puis par la Chine, à très grande échelle, dans les années 1990.
Malgré les fermetures de frontières et le confinement imposé dans le monde entier, cette tendance se poursuit, les facteurs qui l’alimentent n’ayant pas changé. La Chine reste décidée à grimper le long de la courbe de valeur et à prendre la place qui lui revient dans le groupe des puissances manufacturières mondiales, aux côtés des États-Unis, de l’Union européenne et du Japon. Le pays entend s’imposer dans des secteurs comme la robotique, l’aéronautique et, de plus en plus, les semiconducteurs, étant donné sa forte dépendance aux importations américaines. Par conséquent, la Chine souhaite délaisser la fabrication de produits comme les chaussures, les textiles et les jouets en plastique, pour lesquels son avantage concurrentiel est moindre parce que les coûts de main-d’œuvre sont plus bas dans des pays comme le Vietnam.
L’année 2020 est une année importante pour les investisseurs axés sur les marchés émergents frontaliers qui se concentrent sur la tendance décrite ci-dessus. Comme le montre le Tableau 2, il y a 10 ans, l’indice MSCI MÉF était dominé par les pays du Moyen-Orient comme les Émirats arabes unis et le Qatar. Ces pays étaient considérés comme « frontaliers », non parce que leur développement économique n’en était qu’à ses débuts (comme dans le cas du Kenya), mais parce que leurs marchés financiers étaient très sous-développés. Au cours de la décennie qui a suivi, ces pays ayant modernisé leurs marchés boursiers et leurs processus de règlement des opérations, ils ont été élevés au rang de marchés émergents, aux côtés du Mexique et de la Pologne, notamment. C’est en 2020 que s’achève le processus et le Koweït est censé changer de catégorie d’ici novembre. C’est un changement d’importance parce que le Koweït représente plus de 18 % de l’indice des MÉF.
Sa sortie fera augmenter les pondérations de nombreux pays d’Asie du Sud-Est comme le Vietnam et les Philippines. On voit aussi dans le Tableau 2 que le poids de l’Asie passera d’environ 10 % de l’indice MÉF il y a plus de 10 ans à plus de 40 % d’ici la fin de 2020 et c’est le secteur manufacturier qui sera le plus représenté au sein de l’indice, actuellement axé sur les pays producteurs de pétrole. Pour les investisseurs, c’est important parce que cette transition fera mieux coïncider l’univers de placement des pays frontaliers avec leurs objectifs de placement, c’est-à-dire une exposition à des économies se trouvant dans leurs premières phases de développement et qui sont comparables aux marchés émergents traditionnels, comme l’étaient la Chine et la Corée il y a 25 ou 30 ans.
Un des effets collatéraux de ce changement est la forte diminution imminente du secteur pétrolier au sein de l’indice. Comme on le voit dans le Tableau 3, la pondération des pays producteurs de pétrole au sein de l’indice passera de presque 40 % (il y a plus de 10 ans, elle était de 60 %) à un peu moins de 20 %. L’indice des marchés frontaliers sera donc un meilleur facteur de diversification par rapport à l’indice canadien, dans lequel le secteur de l’énergie est fortement représenté. Je ne me prononcerai pas sur la tournure que prendront les cours du pétrole, mais je dirais que, de manière générale, une moindre exposition à l’énergie est préférable à une exposition plus forte, actuellement. De plus, le coût des technologies vertes (panneaux solaires, véhicules électriques, etc.) continue de baisser, ce qui est excellent pour les consommateurs à bas revenus des marchés frontaliers.
Merci d’avoir lu ce billet.
Adam J. Kutas, CFA
Source : FMR.